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le projet familial 

II. MES EXPÉRIENCES ANTÉRIEURES

Comment suis-je arrivé à cette idée de prendre en charge des jeunes dits difficiles dans leur milieu naturel? J’ai été deux fois directeur d’un établissement fermé. En 1975, ma propre recherche indiquait que le traitement dans ces établissements n’avait pas de résultats positifs à long terme. On pouvait influencer le comportement des adolescents pendant leur séjour dans l’internat et il était possible de leur fournir une attention individuelle et beaucoup de chaleur, mais on n’arrivait pas à changer les caractéristiques négatives de leur personnalité. En plus, une fois de retour chez eux, les adultes et leurs copains n’avaient pas changé et se comportaient envers ces adolescents comme si rien ne s’était passé. Il va de soi que les problèmes antérieurs revenaient dans un bref délai.

LE PROJET FAMILIAL

C’est pour cette raison que j’ai voulu traiter ces jeunes dans le milieu où les problèmes s’étaient développés. En accord avec les juges de la jeunesse, j’ai organisé à partir de 1980 un projet à l’université de Nimègue aux Pays-Bas. Ce projet était connu sous le nom ‘Projet Familial’. Les juges pouvaient y référer des enfants et des adolescents qui étaient si perturbés que tout le monde disait qu’il fallait les enfermer. Notre seule condition était que ces jeunes habitait pas trop loin de Nimègue.

Pendant 21 ans, nous avons obtenu de bons résultats dans le Projet Familial. Tous nos traitements ont été évalués et des chercheurs indépendants ont prouvé que, cinq ans après la fin de la prise en charge, 85% des jeunes et des familles sont devenues moins problématiques. Une étude évaluative, couvrant une période de deux ans, sur un groupe de 16 jeunes de 8 à 15 ans récidivistes acharnés qui ont été identifiés comme jeunes à grands risques se trouvant au début d’une carrière criminelle, indique que le Projet Familial a réussi à changer leur développement inadapté. Globalement, ces jeunes ont été arrêtés 30 fois par la police pendant une période de six mois avant le début de notre intervention, dont 8 fois pour délits violents. Deux ans après la fin du traitement ce nombre est tombé à 6 délits pour l’ensemble du groupe et aucun délit violent pendant une période de six mois.

Nous pouvons conclure que le développement vers une carrière criminelle a été coupé, au moins pendant cette période. Mais il y a des garçons qui sont tellement perturbés qu’un suivi prolongé jusqu’à l’âge adulte me semble nécessaire.

Pendant la période durant laquelle l’équipe du Projet Familial concentrait ses activités sur le groupe de jeunes récidivistes acharnés, la collaboration avec la police était très importante. Il s’agit ici d’un groupe de jeunes délinquants qui est difficile à joindre par les services d’aide sociale, surtout dans une phase précoce. Nous avons formé les agents du quartier aux techniques d’identification des jeunes qui sont au début d’une carrière criminelle et qui se distinguent, dès leur jeune âge, des jeunes qui commettent quelques délits, mais pour lesquels le pronostic est favorable. Notre méthode d’identification demande une approche subtile qui doit être supervisée par un spécialiste. Un orthopédagogue du Projet Familial a pris soin de la formation et de la supervision des agents de police.

Au cours des années nous avons orienté nos traitements de plus en plus vers une approche multisystémique et fondée dans la communauté. Elle est systémique parce qu’elle suppose la collaboration de la famille de l’adolescent, de son école et des autres adultes qui jouent un rôle dans la vie du jeune. Nous avons impliqué dans les traitements d’autres adultes et d’autres instituts qui prennent part à l’éducation du jeune.

Pour pouvoir mobiliser toutes ces personnes, il est important de fixer des buts atteignables à court terme, d’exiger un effort quotidien et de choisir des objectifs en rapport avec le comportement antisociale de l’adolescent (beaucoup de programmes donnent une recette généralisée sans tenir compte des besoins particuliers de l’individu). Il est clair qu’un tel programme exige une intervention intensive, basée sur les points forts de chaque intéressé et axée sur une solution.

Le fait que nous travaillions dans un nombre restreint de quartiers populaires de la ville d’Arnhem, rendait possible de créer un réseau d’écoles, d’associations sociales, d’animateurs de quartier, etc... qui voulaient bien collaborer avec nous et qui nous demandaient souvent notre avis. Dans plusieurs cas, il était possible d’impliquer dans nos traitements un membre de la famille ou une personne qui avait un contact régulier et amical avec la famille. Nous avons encouragé les efforts pour élargir ces contacts sociaux pour éviter que la famille ne devienne trop dépendante des intervenants.

Un autre facteur qui a contribué au succès de nos interventions était l’enthousiasme et le dévouement des étudiants qui coopéraient avec les thérapeutes du Projet Familial. Ces étudiants nous accompagnaient durant les visites; ils faisaient les rapports des visites; ils observaient les enfants à l’école et les aidaient à faire leur devoir où à préparer des interrogations, etc...

Malheureusement, j’ai été obligé de terminer le Projet Familial à cause d’un manque de subsides. J’ai décidé de me consacrer à consulter et à superviser des équipes qui ont la possibilité de travailler d’une manière intensive et simultanément sur plusieurs domaines. Les équipes peuvent faire appel à moi. La gratification pour ma consultation est secondaire car ce qui m’intéresse c’est de collaborer avec une équipe enthousiaste.

Dans mon dernier livre paru à Amsterdam j’ai insisté sur la nécessité d’une mobilisation vigoureuse sur plusieurs domaines afin de pouvoir intervenir d’une façon efficace en ce qui concerne les mineurs très perturbés. On ne peut pas les aider par des interventions simples et de courte durée. Pour eux, il n’y pas de remèdes miracles comme on les propose souvent dans les émissions de télévision (par exemple les randonnées de survie pour jeunes délinquants). Je comprends très bien que la société demande la détention des jeunes délinquants violents. Ce que je propose dans ces cas-là, c’est de ne pas se limiter à la détention tout court, mais d’essayer dès l’arrestation du jeune d’impliquer le milieu naturel dans le traitement.

Pour les récidivistes acharnés, qui commettent des délits agressifs et violents, je suis plus sévère que ce que la loi admet actuellement. Pour eux, je voudrais organiser une intervention au-delà de l’âge adulte, pendant laquelle ils seraient suivis intensivement (par exemple à l’aide d’une surveillance électronique). Mais le principe de base restera toujours le respect et la non-disqualification.

Le dernier point sur lequel je veux insister sur base de mon expérience dans le Projet Familial, est la qualification des intervenants. On peut comparer notre situation avec les hôpitaux universitaires. Là les infirmiers et les infirmières jouent un rôle très important, mais elles ne peuvent pas prescrire les médicaments, ni opérer les malades. Dans la protection de la jeunesse, les assistants sociaux jouent aussi un rôle indispensable, mais il faut des spécialistes pour faire le diagnostic et pour mettre au point un programme de traitement. La qualification de ces spécialistes dépend de la formation donnée aux universités; une formation qui laisse encore beaucoup à désirer.

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